A Mlle...
Ô fille de mes pleurs; je ne m'en souviens plus.
Rappelle-moi aussi ces longs mois de silence
Et le mal que j'avais à porter ton absence.
Ô, viens à mes côtés quand sur mon lit de mort
Je pleurerai de nous, et de tous nos remords.
Tes douces mains seront pénétrées de mes pleurs
Et plus rien ici-bas ne fera mon bonheur.
En voyant le soleil resplendir sur ma peau,
Comme pour m'avertir des derniers rayons chauds,
Je te demanderai de bâtir mon caveau
Dans les fonds de tes draps où le ciel sera beau.
Je supplierai tes lèvres si longtemps désirées
De me rendre en honneur un céleste baiser.
Et jamais je n'aurai eu de plus douce joie
Que connaître la mort ainsi proche de toi.
Il serait bien terrible d'accuser la Terre;
Car quoi de plus divin ô ma tendre et très chère
Saurait un jour ou l'autre être plus absolu
Que l'instant où tes yeux firent fondre ma vue.
Hélas, si nos destins ont voulu en ce monde
Ne jamais nous unir, pas même une seconde,
C'est qu'au pays lointain, où nage la blancheur,
L'oliban et les anges, la grâce et le bonheur,
On nous dresse en secret parmi cet univers,
Où flottent les parfums, les ruisseaux et l'éther,
Un endroit lumineux et un lit de bruyère!